Journaliste cherche informations [Libre]

Johnny s'installa dans un fauteuil, un peu à l'écart de la réception. Il poussa un grognement d'aise en s'enfonçant légèrement dans le cuir noir et vernis, et ses bras s'allongèrent tout naturellement sur les accoudoirs. Un petit sourire tranquille plânait sur ses lèvres tandis que ses yeux, toujours à l'affût du moindre détail insolite, se déplaçaient sans cesse dans toutes les directions, avides de tout voir. D'aucun aurait pu se demander ce qu'un homme seul faisait ici, assis dans le hall d'un hôtel suspect. Ce serait mal connaître Johnny Clarkson que d'avoir ce genre de réflexions.
Le journaliste aimait particulièrement agir ainsi. Il se posait dans un lieu public, de préférence un lieu particulièrement fréquenté, et observait les gens autour de lui. Il pouvait rester des heures assis tout seul, apparemment sans rien faire, fixant les groupes de badauts à la recherche de quelque chose à se mettre sous la dent.
Les humains, quand ils sont regardés à leur insu, sont vraiment fascinants. Ils affichent sur leur visage plus d'émotions qu'ils ne le pensent, et leur corps trahissent leurs pensées les plus profondes. Johnny était passé maître dans l'art de décrypter les sentiments d'une personne rien qu'en l'observant quelques temps sans qu'elle le sache.
Il avait ainsi repéré pas mal de personnes dans cet hôtel qui semblaient avoir des choses à se reprocher.

Ce qu'il espérait surtout, c'était de glâner des informations. On ne fait jamais attention à quelqu'un assit en retrait dans un lieu public, et on oublie parfois que cette personne a aussi des oreilles, parfois très attentives.
Jusque ici, et malgré son acharnement, Johnny n'avait pas réussi à obtenir assez de renseignements sur l'affaire Donovan pour écrire quelque chose que les autres journalistes ne savaient pas déjà.
Et il comptait bien y remédier.
Inconsciemment, il commença à jouer avec l'anneau qui ornait l'annuaire de sa main droite. Quelqu'un qui l'aurait observé comme lui observait les autres aurait sans doute vu que, malgré la façade que forgeait son sourire tranquille, il était passablement nerveux.
Ou plutôt, à l'affut. Nullement détendu en tout cas.
Son calepin était à porté de main, prêt à être tiré de sa poche à la moindre information intéressante. Depuis la mort de Donovan, il avait tartiné des pages et des pages pour un article prochain, mais l'interrogatoire de la police l'avait cloué sur les lieux du crime, et évidemment ses concurrents avaient eu le temps d'avoir vent de l'affaire et de sortir les gros titres. Mais le prochain scoop, c'est lui qui allait l'avoir.
Il y était fermement décidé.

[Espace Détente, Respectons les coutumes]

Combien de minutes s’étaient écoulées depuis que Lily Donovan et Eden Jones s’étaient séparées pour vaquer à leurs occupations respectives ? Pas plus de cinq. Et si sa meilleure amie savait parfaitement comment elle allait passer son temps, c’était encore un mystère pour la belle blonde. Ashton devait encore être dans leur chambre, à dormir comme un mort à cause de la soirée de la veille… Ou peut-être avait-il déjà retrouvé Samuel, Eric, Alex, Jamie et tant d’autres encore qui faisaient partie de leurs amis.
Quant à Lily, elle s’était mise en quête de trouver quelqu’un avec qui passer un peu de temps. Joanna devait être occupée ailleurs. Peut-être que Dean accepterait de lui tenir compagnie si elle le lui demandait. Peut-être voulant dire sûrement, puisqu’on ne lui refusait jamais rien. Et que ça ne serait sûrement pas Dean Connors qui se priverait d’une petite partie privée de critiques sur tout et n’importe quoi. Il y avait bien une raison pour qu’ils s’entendent aussi bien.
Elle n’avait pas vraiment fait attention à sa tenue. Tout d’abord parce qu’elle ne manquait pas de goût et ne serait jamais mal vêtue de toute façon. Et ensuite parce qu’elle était bien trop belle pour s’inquiéter du fait de se balader en maillot de bain et chemise transparente dans cet hôtel. Après tout, n’était-il pas presque à elle ? D’accord, elle doutait que son très cher frère décédé l’ait mise sur son testament, mais ça n’était pas comme si elle en avait besoin. Ashton avait investi dedans en plus. C’était largement suffisant pour que personne ne se risque à lui faire une quelconque remarque. Comme si sa réputation ne suffisait pas…
Sans porter un très grand intérêt aux personnes qu’elle croisait, elle avait continué à tracer son chemin, tournant une fois à droite, une autre fois à gauche… Elle se moquait pas mal de l’endroit où elle atterrirait. Tant qu’elle n’aurait pas trouvé quelque chose susceptible d’attirer son attention, elle ne s’arrêterait pas. Et même si ça n’était pas le cas, on ne pouvait que penser que Lily Donovan savait où elle allait. Maintenir les illusions jusqu’au bout, même pour la chose la plus insignifiante. Ca pouvait paraître ridicule, mais c’était le genre de choses importantes lorsque l’on portait un nom comme le sien.

Le hall maintenant. Et que pouvait-elle bien faire dans le hall ? Pas grand-chose. Définitivement.
Ca n’était pas comme si elle n’avait pas un vaste choix d’activité devant elle. Retrouver Ashton et le forcer à se lever s’il était toujours au lit. Dans sa sacoche, elle avait toujours son portable si elle voulait absolument que quelqu’un vienne la rejoindre. La preuve qu’au final, elle n’avait probablement pas tant envie que ça de s’occuper avec quelque chose qu’elle connaissait déjà.
Pas la peine de sortir sa carte de crédit non plus. De toute façon, il était déjà convenu qu’elle retrouverait Eden plus tard dans la journée pour une séance shopping. Et vu tout ce qu’elle avait dans son armoire et qui n’avait encore jamais été porté, elle pouvait même s’en abstenir. Chose qu’elle ne ferait pas. Non seulement par principe, mais en plus parce que ce serait toujours un moment passé avec sa meilleure amie de plus. Tant qu’elles pouvaient en profiter, pourquoi l’éviter ?
Poussant un soupir, elle avait retiré sa casquette alors que ses lunettes de soleil reposaient déjà en compagnie de son portable dans sa sacoche. Elle se moquait bien qu’on la reconnaisse ou quoi que ce soit d’autre. De toute façon, elle n’avait pas envie de se cacher. Et on pouvait la repérer seulement à son allure. Personne n’oserait venir lui parler. Ou au moins personne qui n’était pas digne d’un quelconque intérêt.

De ses yeux bleus, elle avait rapidement fait le tour du hall. Elle avait reconnu quelques visages familiers. De personnes avec lesquelles elle avait déjà parlé et qu’elle préférait éviter pour le moment par manque d’envie et de sympathie pour elles. D’autres qu’elle connaissait seulement de vue. Et aussi, sur l’un des sièges, elle avait repéré cet homme qu’elle avait certainement déjà vu avant sans vraiment le voir. C’était ça, de ne fixer son attention pratiquement que sur ceux avec lesquels elle passait déjà tout son temps.
Elle ne connaissait pas son nom, voire même rien du tout de lui. Pour faire court. Il dégageait une certaine classe, c’était indéniable. De là à dire qu’elle lui adresserait peut-être la parole, il y avait tout un monde. Ou qu’elle ne l’oublierait pas directement après avoir quitté la conversation. Tout dépendait si elle allait fonctionner pour lui aussi au coup de cœur. En revanche, elle n’irait sûrement pas l’aborder. Lily n’avait jamais fait partie de cette catégorie de personne. Mais ça ne l’empêchait pas pour autant d’aller s’asseoir sur un siège près de lui, jouant l’indifférence à la perfection, ce qui n’était pas forcément très loin de la réalité. En même temps… Ca n’était pour le moment que le moyen de passer le temps avec ce qui se proposait à elle.

Johnny repéra d'emblée la jeune femme qui était entré dans le hall.
En même temps, il était difficile de ne pas la remarquer.
Apparemment très à l'aise dans l'hôtel, elle se baladait en maillot de bain, avec une chemise transparente jetée désinvoltement sur ses épaules, peut-être par pudeur. Contrairement aux personnes habituelles qui ne dégageaient rien de spécial et qui se fondaient dans la foule informe, cette fille sortait incontestablement du lot. Johnny n'aurait pas su dire pourquoi, mais il était indéniable qu'elle était différente.
Elle respirait la richesse, la beauté et la jeunesse.
Subtile mélange pour une jeune femme.
Mais Johnny lui portait de l'intérêt pour une toute autre raison. Il n'était pas journaliste pour rien, et des têtes comme celles ci ne s'effaçaient pas de sa mémoire. Il se souvenait parfaitement du visage de cette femme, qu'il avait entre-aperçu le soir du meurtre. Des informations qu'il possédait, elle avait un lien de parenté avec Donovan.
Peut-être sa soeur ou quelque chose comme ça.
Et puis elle était sûrement la prochaine sur la liste des héritages. Et ça, c'était particulièrement intéressant.
N'avait-elle pas l'air un miminum coupable ?
En tout cas, elle ne semblait pas très perturbée par la mort de son frère et aucune larme ne venait enlaidir ses yeux bleutés.
Un peu trop suspect pour le journaliste.

Il la regarda discrètement, sans trop insister pour ne pas mettre la puce à l'oreille à cette jeune femme, Lilia ou Lily, quelque chose comme ça.
Il fit semblant d'être profondément absorbé par la décoration du hall, mais son regard continuait de se promener de temps à autre sur le visage de la nouvelle venue. Il remarqua qu'elle le regardait elle aussi, et il fit d'autant plus semblant de rien. C'est à peine s'il esquissa un sourire amusé.
Mademoiselle Donovan, dont il était pratiquement sûr que le prénom était Lily, s'approcha alors de lui et s'assit dans le fauteil à ses côtés, feignant de ne pas l'avoir vu.

*On me l'a fait pas à moi* pensa Johnny avec des yeux qui brillaient de curiosité.

Il avait très envie d'en savoir plus sur elle, sur les raisons qui l'auraient poussé à abattre son propre frère. Milo Petters était pour lui le coupable idéal, mais un journaliste garde l'esprit ouvert à toutes les possibilités.
Une petite dispute d'héritage n'était pas un mauvais mobile après tout.
Il laissa quelques minutes de silence s'installer entre eux pour ne pas paraître trop empressé. Jouer la carte de la désinvolture était sûrement la meilleure solution.
Finalement, il se tourna lentement vers elle, portant son regard cristallin sur le visage délicat de la jeune femme.

"Toutes mes condoléances, dit-il d'une voix qui n'était clairement pas compatissante, Nathan Donovan est -pardon était- bien votre frère, n'est ce pas ?"

Il ne savait pas comment engager la conversation autrement. Et puis déjà, il devait avoir la certitude qu'il ne se trompait pas de personne.
Manquerait plus qu'elle n'est aucun rapport avec la victime.

Comment attirer l’attention et la curiosité d’un inconnu par Lily Donovan. Tout d’abord, il fallait s’appeler Lily Donovan. Ou être un minimum connu. Ensuite… Le nom ne suffisait pas simplement. Il fallait cette sorte de prestance qu’elle était la seule à avoir. Quelques regards parfaitement bien placés, une attitude indifférente et n’importe qui ne pouvait avoir qu’une seule envie : essayer de lui parler. Et lui faire sentir qu’elle réussissait à chaque coup faisait assurément gagner des points à la personne qu’elle visait. Définitivement, les individus qui disaient que les gens de la haute société devaient bien s’ennuyer avaient torts. Il suffisait d’avoir les bonnes connaissances et de savoir s’occuper. D’autant plus qu’ils avaient largement de quoi profiter. La contrainte n’existait quasiment pas pour eux. Les limites encore moins.
En tous les cas… Si l’homme avait remarqué qu’elle ne faisait que jouer l’indifférence, il en était de même de son propre côté. Elle aurait pu trouver ça arrogant. C’était plus un amusement au final. Définitivement, elle devait être de bonne humeur. Ou elle s’adoucissait. Parce qu’elle était enceinte ? L’instinct maternel existait vraiment ?
… Il fallait qu’elle trouve un moyen d’échapper à ça. Enfin, de l’avoir sans pour autant s’adoucir. Elle avait une réputation à tenir, un public à satisfaire et pas la moindre envie de finir nonne dans un couvent. Quoi que… Pas de soucis à se faire là-dessus. Avec une meilleure amie comme Eden Jones, une pseudo sœur comme Joanna Hannigan, un petit-ami du nom d’Ashton Grant et tant d’autres… Elle ne risquait pas de tomber dans ce côté-là de la balance. Encore heureux !
Quoi qu’il en soit, feindre l’indifférence était clairement inutile. Ils s’étaient remarqués, ils le savaient. Mais Lily n’allait certainement pas quitter le rôle qu’elle s’était donnée. Pas la moindre envie. Il y avait juste le fait qu’elle savait au moins que non seulement elle était tombée sur une personne classe, mais aussi avec un minimum d’intelligence. Donc de quoi l’intéresser suffisamment longtemps jusqu’à ce qu’elle se trouve une nouvelle occupation un peu plus distrayante.

Toujours assise sur son siège en cuir qui avait très certainement été payé par l’argent de son frère, et donc de sa famille, Lily avait continué de jouer l’indifférence la plus totale. Si ses lunettes de soleil avaient été en dehors de sa sacoche, elle en aurait sans le moindre doute mordillé l’une des branches. Histoire d’être légèrement agaçante. Elle pouvait toujours les sortir. Innocemment. Ouvrant ce qui lui servait donc de petit sac, elle en avait d’abord sorti son portable. Une bonne dizaine. C’était le nombre de messages qu’elle avait reçu depuis la dernière fois qu’elle avait vérifié, sans compter les appels en absence.
Lâchant un soupir blasé, elle avait au final préféré porter son index gauche aux lèvres, son autre main étant occupée à pianoter sur les touches de son portable de luxe. Et tout ça façon Lily Donovan. On imaginait assez facilement ce que cela pouvait donner. Et la voir royalement ignorer les regards posés sur elle passait comme étant la chose la plus naturelle du monde. Elle n’avait pas à se mêler à la foule. Elle aurait pu faire n’importe quoi de toute façon, elle n’y serait jamais arrivé.

Posant ses yeux bleus sur l’homme dont le nom lui était encore inconnu quand ce dernier avait enfin pris la parole, quelques minutes après son arrivée, elle n’avait pas pu s’empêcher d’esquisser un sourire. Amusant de voir à quel point ses paroles contrastaient avec le ton de sa voix.
Bingo en tous les cas. En même temps, aucune personne digne de ce nom aux Etats-Unis pouvait ne pas reconnaître Lily Donovan. Tout comme le fait qu’elle soit toujours fourrée quelque part avec Eden Jones.

- En effet. Il était mon frère. Sa perte a été un grand choc pour la famille.

Et la demoiselle avait l’air au moins aussi sincère que lorsque l’homme lui avait présenté ses condoléances. Effet voulu. Ensuite… qu’on pense qu’elle soit la coupable ou non, elle s’en moquait. Elle n’avait jamais démenti aucune rumeur sur elle. Les meilleures comme les pires, préférant compter sur son nom et le fait de se trouver au-dessus de tout ça pour qu’elles finissent par toutes disparaître une à une. On ne ternissait pas sa réputation comme ça. Alors elle pouvait faire à peu près tout ce qu’elle voulait. Tant qu’elle restait Lily Donovan.
Lançant un nouveau regard à l’inconnu, elle avait rendu sa liberté à son index avant de ranger son téléphone portable dans sa sacoche. Puis elle s’était repositionnée convenablement, croisant les jambes, se tenant droite tout en prenant appui sur le dossier de son siège confortable. Elle avait évolué dans ce milieu sans le moindre problème. Pas de doutes possibles.
Et, bien qu’il ait été totalement inutile de se présenter pour sa part :

- Lily Donovan. Vous êtes…?

C’était un fait. Elle aurait volontiers ajouté un brin d’insolence au ton de sa voix si elle avait déjà su à qui elle s’adressait, que ce soit une personne importante ou non. Puisqu’il n’y avait personne de placé au-dessus d’elle, elle aurait pu se le permettre. Mais elle ne l’avait pas fait. Et de toute façon, sa réputation la précédait. Tout le monde savait très bien que pour espérer avoir ses faveurs ou au moins ne pas risquer trop gros, il fallait prendre des gants avec elle.

Johnny esquissa un maigre sourire amusé quand la jeune femme ajouta que la perte de Nathan était terrible pour sa famille.
Si elle s'était contentée de confirmer qu'elle était bien la soeur du millionnaire sans rien ajouter d'autre, le journaliste aurait perdu un peu de l'intérêt qu'il lui portait. Là, au contraire, il s'en trouvait ravivé.
Car après toutes ses années d'expérience, Johnny savait décrypter dès les premières phrases si une personne était enclinte à parler ou non. Il posait pour cela une question simple, qui pouvait inciter au développement comme à la brieveté, et selon la réponse il avisait s'il fallait continuer ou pas.
La plupart du temps, les gens qui ont subi un choc, comme un décès par exemple, font des réponses succintes et sèches, indiquant clairement qu'elles n'ont surtout pas envie de se confier à un journaliste fouineur. Néanmoins, le ton qu'elle avait employé pour lâcher cette simple phrase était révélateur. Cela ressemblait plus à une formule de politesse, comme un simple bonjour ou merci, dit machinalement et sans y croire. Elle l'employait uniquement parce qu'il était approprié de dire une telle chose à cet instant, parce que l'étique le demandait, mais il était claire que la mort de son frère ne l'avait nullement bouleversée.

Johnny hocha la tête d'un air compatissant, faisant semblant d'adhérer au chagrin de la famille Donovan. Mais ce n'était qu'une mascarade entre eux, parce qu'il fallait faire bonne figure, parce que les codes de conduite demandait d'avoir une telle attitude, mais lui comme elle savaient parfaitement que ni l'un ni l'autre n'était choqué par la mort du millionnaire. Pour être tout à fait sincère, Johnny s'en réjouissait presque.
Même s'il n'avait pas pu assouvir lui-même sa vengeance, Nathan avait payé et c'était tout ce qui comptait.
Le journaliste s'intéressait beaucoup à la demoiselle. Non pas qu'il ait de réels et sérieux soupçons à propos d'elle, mais vu qu'elle était la soeur de la victime, elle avait sûrement plus accès aux informations sur l'avancement de l'enquête, sur les petites histoires de la famille Donovan, sur les anecdotes embarassantes que cachaient précieusement Nathan et peut-être même sur le lien que Milo Petters entretenait avec le millionnaire.
Johnny avait de la suite dans les idées.

"Johnny Clarkson" répondit-il avec un petit sourire confiant, "Je me disais bien que je vous avais reconnu."

Il resta quelques secondes silencieux, ne voulant surtout pas montrer à la jeune femme qu'il avait une idée particulière en tête, puis reprit sur le ton de la conversation.

"Une véritable tragédie ce qui est arrivé à votre frère" soupira-t-il en feignant d'être affecté, encore une fois pour l'étique "Le soir même où 43 personnes ne sont là que pour lui... Et la police qui n'a aucune piste, vous devez être ravagée que le coupable court encore dans la nature non ?"

Il balança doucement la tête de droite à gauche, jeta un regard circulaire sur le hall sans prêter attention à la jeune femme -où tout du moins en faisant semblant- et continua.

"J'ai peur de faire des nouvelles rencontres à présent" dit il avec un sourire amusé qui contrastait violemment avec ses propos "J'ai toujours la pensée que je parle peut-être à un assassin"

Si la jeune femme se sentait visée, c'est assurément qu'elle avait quelque chose à se reprocher. Il lui adressa un sourire tranquille, mais il tripotait toujours son anneau
Il savait bien qu'il avançait en terrain glissant, et y allait un pas après l'autre, avec toujours la crainte de trébucher.
C'est qu'elle avait une sale réputation, cette jeune femme, dans le milieu des journalistes.

Il ne fallait pas attendre énormément de la part de Lily Donovan lorsqu’on ne la connaissait pas. A part éveiller continuellement la curiosité et l’intérêt des autres à son égard, elle ne faisait pas grand-chose de plus. Juste parce que ça l’amusait. De voir certaines personne essayer vainement de la rejoindre, alors qu’elle était déjà trop bien entourée pour leur porter plus d’attention que les quelques minutes qu’elle leur accordait. Pour passer le temps et éviter l’ennui.
Après… Même si elle admettait que l’homme en face d’elle méritait plus d’attention que la majorité des personnes présentes dans cet hôtel, Lily doutait fortement de se souvenir simplement de son nom dans une heure. Ce qui serait sûrement préférable pour lui. Ca n’était pas qu’elle ne portait pas les journalistes dans son cœur une fois qu'elle saurait ce qu'il faisait, malgré qu’il soit difficile de parler de grand amour entre eux aussi. Juste que si elle s’en souvenait, ça voulait dire qu’il était un minimum intéressant. A l’heure d’après, elle connaitrait déjà suffisamment d’informations sur lui. Parce qu’après tout, tout ça n’était qu’une question de contacts bien placés. Les personnes comme elle et le groupe dans lequel elle faisait partie pouvaient avoir accès à toutes les informations qui les intéressaient dans le coin le plus paumé du monde. La communication n’avait aucune limite pour eux. L’avantage d’être elle. Il n’y avait que de ça en même temps.
Qu’il ait compris le ton qu’elle avait emprunté pour parler de la mort de son frère, ça ne l’étonnait pas. Malgré les apparences, c’était un effet voulu. N’importe quel crétin les regardant aurait tout de même pu croire à leur sincérité. D’ailleurs, il n’aurait même pas aperçu l’ombre du sourire de miss Donovan lorsque l’homme avec lequel elle parlait avait hoché la tête d’une manière qui se voulait… Compatissante ? Enfin, de cette manière que la règle imposait lorsque l’on était en conversation avec une personne qui venait tout juste de perdre un ‘proche’. Hors, même dans la relation qu’elle avait eue avec Nathan, ils n’avaient jamais été très liés. La période où son frère était sorti avec Eden avait été la plus calme. Celle qui avait suivi ? La plus tendue. Mais ils avaient été frères et sœurs. Ils avaient grandi ensemble. Ca suffisait largement pour qu’elle soit un minimum touchée par sa mort. Plus qu’elle ne l’admettait ou ne voulait y croire elle-même. Comme quoi si elle n’était pas aussi insensible que d’habitude, Lily Donovan elle-même ne s’en rendait pas forcément compte.

Johnny Clarkson. Elle n’était pas étonnée que ce nom ne lui dise rien de spécial. Tout simplement parce qu’elle faisait peu attention aux autres.
Evidemment qu’il l’avait reconnue ! Comme s’il avait pu ne pas le faire… Vu la médiatisation qu’elle et beaucoup d’autre ‘subissaient’, il aurait été difficile, voire même complètement impossible, de ne pas se souvenir de son visage. Non pas que la médiatisation la dérangeait. Tant qu’on ne dépassait pas les très strictes limites qu’elle avait fixée aux journalistes, il n’y avait rien à craindre. Et d’une certaine manière, ces limites n’étaient imposées que parce qu’elle aimait tout particulièrement le fait que ces derniers soient toujours très prudents avec elle. Sérieusement, elle était placée beaucoup trop haut dans l’échelle sociale pour avoir à s’inquiéter de quelques papiers qui paraissaient sur elle ! Et pas besoin de s’occuper elle-même de ceux qui n’étaient pas suffisamment prudents. Sa famille s’en chargeait pour elle. Son père d’abord, parce qu’il l’avait toujours chouchoutée par rapport à Nathan et Scott. Et sa mère, parce que le risque que les agissements de sa fille déteignent sur sa carrière n’était pas exclu. Comme si elle avait de quoi s’en faire vu l’attitude quotidienne de Lily ! Enfin, en y réfléchissant bien, quand même un peu…
Alors, parce que c’était une évidence qu’il l’ait reconnue, la jeune femme n’avait rien répondu. Elle avait simplement haussé les épaules, parce qu’elle le savait tout simplement. S’accoudant sur le bras droit de son fauteuil, elle s’était mise à jouer avec une mèche de ses cheveux. Comme elle le faisait souvent. Le temps que Clarkson reprenne la parole.

- Une véritable tragédie comme vous dites. Mais d’une certaine manière, Nathan a toujours aimé attirer l’attention.

Et assurément, de là où il était, il devait être aussi bien content d’être mort. Avec tous les problèmes qu’il avait provoqués pour d’autres personnes elles aussi très importantes, on pouvait même presque dire que la majorité de l’élite Américaine en voulait à Nathan Donovan pour quelque chose de bien précis. Ce qu’elle ne dirait pas. A personne. Tout le monde le savait, pas besoin de le prononcer. Quant au fait que le coupable soit encore dans la nature… Comme pour approuver, Lily avait lâché un profond soupir. Soupir digne des plus grandes actrices qui ne masquait pourtant pas un brin d’ironie. C’était ce qu’elle voulait montrer. Aborder le sujet du meurtre de Nathan était légèrement délicat. Pas suffisamment pour que même un expert puisse le voir, mais elle préférait conserver son attitude ironique plutôt que de passer pour le genre de femme sensible et stupide, pleurant la perte d’un proche qu’elle n’avait jamais pensé porter dans son cœur. Ca n’était pas le cas. Mais elle pouvait avoir quelques points communs avec cette dernière quand même.
Peur de faire de nouvelles rencontres ? Pour quelqu’un qui, elle le devinait parfaitement bien, n’était pas réellement touché par la mort de Nathan, la remarque était assez… Déplacée ? Sonnait incroyablement fausse en tous les cas. Toujours un peu plus ironique, mais conservant extérieurement le rôle qu’elle s’était donnée et que tout le monde lui avait désigné, elle avait simplement répondu :

- Vous avez déjà dû parler à au moins un criminel dans votre vie. Assassin ou pas dans les parages, vous n’avez qu’à continuer de jouer le jeu comme vous le faisiez avant.

Retenant difficilement un quasiment odieux ‘ça n’est difficile pour personne’ qui aurait sous-entendu que non seulement elle donnait une leçon à l’homme près d’elle, mais qu’en plus elle était sur le point de le prendre presque pour un abruti, elle s’était remise à enrouler sa mèche de cheveux autour de son index. Pensive pendant plusieurs secondes, elle avait fini par ajouter, sur un ton nettement plus sympathique, qui sonnait déjà un peu plus comme de l’hypocrisie :

- Et dans quoi travaillez-vous Monsieur Clarkson ?

Johnny sentit presque aussitôt que la jeune femme n'allait pas être aussi maléable qu'il l'avait espéré. Ses phrases sonnaient atrocement ironiques, et le journaliste comprit quand elle lui conseilla de faire comme si aucun criminel ne rôdait qu'elle se payait sa tête.
Ou tout du moins qu'elle le prenait vraiment pour un crétin.
Mais Johnny ne s'en froissa pas. Il avait l'habitude, dans son métier, que les gosses de riches le toisent ainsi, le pensant à leurs bottes parce qu'il était avide d'informations. Au fond de lui, Johnny méprisait ces gens qui coulent dans l'oïsité et qui se croivent, par ce qu'ils peuvent s'acheter tout ce qui leur passe par la tête, plus importants et plus supérieurs à la populasse.
Mais en tant que professionnel, il se devait de mettre ses opinions de côté et de prendre son mal en patience. Qu'elle le prenne pour un chien si elle le voulait, tant qu'il ne se tournait pas en ridicule et qu'il obtenait des informations, cela lui était égal. Prêt à tout pour un scoop, oui, mais tant que sa réputation restait intacte.

Il adressa un sourire aimable à la jeune femme qui aurait pu le faire passer pour une patte molle si ses yeux n'avaient pas brûlés avec autant d'aplomb, respirant la vivacité d'esprit et l'intelligence.
Quoi qu'elle en pense, il n'était pas un paparazzi, il ne travaillait pas pour la presse people. Il connaissait la réputation de la jeune femme, mais il ne lui parlait pas pour savoir quel maquillage elle portait ni quel parfum elle affectionnait, comme tant de ses collègues. Le seul intérêt qu'il trouvait à la jeune femme, c'était sa relation avec la victime, et l'accès qu'elle avait aux informations les mieux gardées.
Son egocentrisme devait lui faire penser que c'était pour elle qu'il venait lui parler, pour son charme et ses moeurs, et il voulait bien le lui laisser croire. Mais en toute honnêteté, Johnny ne connaissait pratiquement rien de la jeune femme, il connaissait simplement la réputation de peste qu'elle avait dans le milieu du journalisme et le fait que tous les journaux se l'arrachaient. Mais, c'était surtout pour son rôle qu'elle avait de l'intérêt.
Soeur de la victime, coupable potentielle, quelle meilleure piste pour tenir en avant première le nom du coupable ?

Elle lui demanda quelle profession exerçait-il. Johnny aurait préféré ne pas avoir à répondre, car il se doutait qu'elle mesurerait encore plus ses propos face à un journaliste. Mais ce qu'il savait parfaitement aussi, c'est qu'elle était tout à fait capable de faire vérifier ses dires et la famille Donovan ne serait pas particulièrement ravie d'apprendre qu'un journaliste avait abusé l'un de leur membre pour obtenir des informations. Et puis, Johnny était d'un naturel plutôt franc et ne faisait pas souvent preuve de lâcheté, quitte à en être imprudent.

"Je suis journaliste, répondit-il en toute sincérité, Oh, ne vous en faîtes pas, je ne suis pas ici pour vous, j'étais là aussi quand Mr.Donovan est mort. La police me retient ici au même titre que vous."

Il avait bien insisté sur les dernière paroles avec un sourire narquois pour bien lui montrer que le fric qui garnissait son compte ne l'impressionnait pas. Il n'avait pas de préjugé sur elle et ne doutait pas qu'elle puisse être intelligente, mais il voulait bien lui montrer que son argent ne rentrait pas en ligne de mire.
Pour lui, elle était une simple femme comme n'importe quelle autre, quoi que sa prétention en dise.

C’était à partir de ce moment précis que l’un de ses jeux préférés allait débuter. Bien entendu, plus tard, dans la journée, elle ne trouverait même pas l’utilité de se souvenir de ce Johnny Clarkson. Ils n’étaient pas du même monde, alors aucune raison de s’attarder sur son cas. Il n’avait pas été chanceux tout simplement. Aucun coup de cœur pour lui. Lily n’en avait pourtant pas rarement. Apprécier de nouvelles connaissances ne lui était pas si difficile que ça. Ce pouvait être n’importe qui. C’aurait même pu être l’homme assis près d’elle. Mais non. Il fallait le dire, le moment ne serait pas très agréable pour lui. Quant à ce qu’il pouvait penser de la jeune femme… Disons qu’elle s’en moquait. Elle n’ignorait pas que certains ne pouvaient pas l’apprécier et ne chercheraient pas à le faire. Mais ils se gardaient tous bien de le dire. Pour plusieurs raisons suffisamment évidentes pour que l’on n’ait pas à juger utile de les mentionner.
En ce qui concernait le fait que Lily sache à peu près l’image que Clarkson avait d’elle maintenant… Elle n’avait pas besoin de puiser dans les connaissances qu’elle avait acquises durant ses études. Il suffisait d’avoir grandi dans un milieu comme le sien, d’avoir été préparée à ce qu’il lui apportait aujourd’hui et de le connaître en détail, en passant par ses pires et ses meilleurs côtés.
Elle savait parfaitement comment agir en conséquence. Elle allait utiliser une manière de se conduire qu’elle appréciait tout particulièrement, subtile mélange d’hypocrisie et d’ironie camouflé par un ton presque sympathique. La demoiselle ne doutait pas une seule seconde qu’il ne pourrait que comprendre ce qu’elle sous-entendait. Et qu’il ne chercherait jamais à lui renvoyer la balle de la même manière qu’elle. Il avait l’air d’avoir suffisamment d’intelligence pour être conscient de devoir mesurer ses propos en s’adressant à elle. Elle n’avait pas spécialement besoin de paroles mal placées pour faire couler quelqu’un. Ni d’un seul petit détail, complètement insignifiant. Alors le chercher tout en sachant qu’il ne pourrait jamais se permettre de laisser libre court à l’inimitié qu’il serait forcé d’avoir envers elle, c’était amusant. Considéré réellement comme un jeu de la part de Lily Donovan.

Au final, elle n’avait peut-être pas tant que ça perdu de sa cruauté pour trouver ça particulièrement drôle. Tout en sachant que c’était inutile. Elle ne parviendrait pas à être énervée vu qu’elle avait toutes les cartes en main. Et en plus de ça, elle n’accorderait plus la moindre importance à ce qu’il se produirait une fois qu’elle aurait quitté le hall. Mais puisqu’elle n’avait aucune occupation pour le moment, autant s’amuser un peu. Les personnes comme elles ne remplissaient pas leurs journées de la même manière qu’une personne banale.
Il avait fait ce sourire. Et elle avait vu ce regard. Ce regard qui lui avait fait pensé que définitivement, elle avait trouvé là une personne avec laquelle son jeu serait peut-être un peu plus intéressant qu’habituellement. Il n’était pas stupide après tout. Ou alors elle se trompait. Et comme on le savait déjà, Lily Donovan ne se trompait jamais.
Ce fut à son tour d’étirer ses lèvres dans un sourire poli et apparemment complètement charmant. Dommage qu’il ne soit pas vraiment en accord avec ses yeux. Ses yeux bleus qui avaient laissé apparaître ses intentions le temps d’un éclair. Juste pour qu’il sache. Que s’il voulait partir, libre à lui. Tant qu’il savait ce qu’il risquait en la laissant, tant qu’il n’ignorait pas qu’en règle générale, il était préférable de n’avoir rien à perdre lorsque l’on se retrouvait face à Lily Donovan et qu’elle décidait de s’amuser un peu, tout allait pour le mieux. Sauf qu’un faux pas était si vite arrivé après tout.

Un journaliste ? A la réflexion, pas vraiment étonnant. Et encore plus amusant. Souriant de nouveau, la jeune femme n’avait toujours pas lâché sa mèche de cheveux. Elle était dans son élément. Rien ne saurait la déstabiliser. Ce qui se voyait clairement.
Hochant la tête lorsqu’il eût fini de parler, Lily resta quelques secondes silencieuse. Sa réplique, elle l’avait déjà. Elle voulait juste se laisser le temps de la savourer mentalement. Elle était parfaite. Appropriée à la situation et ne paraissait en aucun cas déplacée. Il fallait savoir y mettre le ton. Et il était déjà tout trouvé. Naturel chez elle. Elle n’avait jamais porté les journalistes dans son coeur. Qu’ils lui portent un intérêt sans limite ou pas.
Souriant comme si elle comprenait parfaitement, elle avait fini par répondre, mélangeant encore et toujours hypocrisie et ironie à la perfection :

- Bien sûr, bien sûr, je comprends parfaitement… Après tout, sans cette affaire, vous ne pourriez sûrement pas être ici.

Il fallait connaître le milieu pour comprendre que cette phrase sonnait beaucoup plus comme une insulte qu’une banalité. Une personne extérieure à la scène aurait pu penser que les deux personnes étaient en train de sympathiser. Pas que l’une était en train de s’amuser de l’effet sûrement désagréable qu’elle avait sur l’autre.
Appuyant sa remarque d’un sourire faussement sympathique, elle avait ensuite innocemment passé une main dans ses cheveux. Elle n’avait rien à se reprocher. C’était le genre de choses qu’elle pouvait se permettre. Qu’elle devait se permettre même. Et si ça lui plaisait, pourquoi ne pas en profiter un minimum ?
Elle ne l’avait pas lâché des yeux. Consciente d’être beaucoup plus forte que lui et qu’il n’avait encore rien vu. Ce qu’elle montrait clairement. Histoire qu’elle ne passe pas non plus pour une personne totalement injuste qui n’avait pas prévenu que la partie serait difficile. Pour tout dire, elle ne savait pas trop ce qu’elle préférait entre l’abandon de Clarkson ou la possibilité qu’il tente de tenir le coup un peu plus longtemps. Les journalistes avaient la réputation d’essayer de s’accrocher inutilement. Mais aucun d’entre eux ne l’avait fait avec elle. Ce serait une assez agréable surprise selon elle… Même s’il serait sûrement beaucoup plus sage d’abandonner tout de suite de la part de celui qui lui servait d’amusement pour le moment.

Effectivement, Lily Donovan n'était pas simple à "manier". Ils entait déjà que cela serait difficile d'obtenir ce qu'il voulait, et qu'il devrait peut-être même s'y reprendre à plusieurs fois. Il était déjà clair qu'il ne parviendrait pas à s'attirer la sympathie de la jeune femme, et en un sens cela ne le dérangeait pas.
Elle ne lui était pas particulièrement agréable et cela aurait été fastidieux de faire semblant de l'apprécier, même s'il savait admirablement bien le faire. Il sentait que cette femme là n'était pas comme toutes les autres filles de riche, désespérément naïves et nunuches. Elle connaissait parfaitement bien les gens, ce qu'ils pensaient d'elle et les raisons qui les poussaient à la suivre, que ce soit pour sa richesse ou sa popularité.
Et il était clair qu'elle avait percé ses propres intentions, du moins en partie.
Par contre, il ne savait plus trop bien comment faire pour obtenir ce qu'il voulait. Elle paraissait déterminé à rester maître de la partie (car c'était bien un jeu qui s'était instauré entre eux, même si l'issue était plus que sérieuse pour lui) et tant qu'il ne reprenait pas les rênes, il serait impossible de tenter quoi que ce soit. Elle resterait un mur infranchissable, trop lisse pour être escaladé, avec quelques piques invisibles et bien placés qui lacéreraient ses mains s'il essayait de grimper.
Elle arborait un sourire qui, pour tout autre que lui, aurait pu paraître sympathique. Mais Johnny connaissait trop bien les gens pour se faire avoir. Il savait qu'elle le tournait en dérision, qu'elle voulait le pousser à la faute, qu'elle se moquait de lui pour le faire réagir.
Mais Johnny n'était pas journaliste pour rien. Il avait le contrôle sur le moindre de ses gestes et paroles, et la technique qu'elle appliquait lui était bien connu. D'habitude, il la retournait contre son propriétaire, mais il sentait qu'avec Lily Donovan ce ne serait pas la même chanson.
Au pire, si elle était vraiment trop difficile à faire fléchir, pouvait-il trouver ses informations ailleurs. Il ne s'en faisait pas pour ça.

Il sentit bien que la remarque de la jeune femme était tout sauf une banalité. Il entendait distinctement l'insulte qui se trouvait derrière cette phrase, une insulte sur sa condition et sa richesse, mais il ne s'en sentit pas froissé. C'était vraiment bas et mesquin de l'attaquer sur l'argent, et jamais il ne pourrait se sentir blesser à ce propos. Il avait même presque envie d'en rire. Si elle pensait que ne pas avoir d'argent est une insulte, elle était bien sotte. Et il ne pourrait jamais abandonner face à une fille qui pense que l'argent la rend supérieure.

"Assurément assurément..., répondit-il en feignant de ne pas avoir compris le sous-entendu, Après tout je n'ai pas de temps à perdre à me prélasser dans un tel hôtel, les scoops ne viennent pas tous seuls !"

Il ne se départissait pas de son sourire doux et aimable, même si ses yeux restaient constrastés de part la lueur froide qui y brillaient. Il montrait ainsi qu'il pouvait être fort sympathique, mais qu'il était tout aussi capable de sortir les crocs.
Et qu'il n'hésiterait pas à le faire d'ailleurs.

"Savez vous où en est l'enquête ? J'ai bien hâte que le coupable soit arrêté, qui sait quel autre meurtre il pourrait accomplir encore..."

Il fallait au moins reconnaître une chose à Johnny Clarkson : il était amusant. Amusant au point que Lily Donovan en venait à lui accorder une chose en plus : de l’intelligence. Pas cette intelligence que l’on retrouvait chez la plupart des personnes. Pas celle qui était accessible à tout le monde. Non. Elle pensait plutôt à l’intelligence que l’on avait tout naturellement. Celle qui nous était donnée à la naissance, cette sorte de don que l’on se devait de développer évidemment pour faire partie des meilleurs sans trop de problèmes. Et ce raisonnement apportait un nouveau point négatif au journaliste . Avoir fait ce choix de carrière, qu’elle lui plaise ou non, représentait à ses yeux un manque d’ambition total et affligeant. N’importe quel crétin ayant fait un minimum d’étude était capable de se saisir d’un stylo et de pondre un papier que le citoyen moyen trouverait génial dans le numéro du New York Times du lendemain. Le plus haut statut auquel il pourrait se hisser serait celui de rédacteur en chef… S’il avait de la chance.
Comme quoi, certaines personnes ayant apparemment des capacités préféraient effectivement se contenter de peu. C’était… Quel était ce mot déjà ? Ce mot qu’elle aimait tant associer aux personnes comme Clarkson ? ah oui. Elle s’en souvenait.
« Pathétique. »
Inutile d’expliquer pourquoi Lily Donovan garderait forcément les rennes en main tout le long de la partie. Et il était plutôt facile de comprendre pourquoi elle pouvait vite s’en lasser. C’était amusant ? Oui. Ca commençait à devenir ennuyant ? Là encore, oui. Il lui en fallait peu. Le peu était arrivé, maintenant, elle voulait se trouver une autre occupation.
Alors, définitivement, elle n’avait plus vraiment porté attention au journaliste, préférant regarder d’un air pensif les personnes présentes dans le hall. Rien de bien intéressant, et l’ennui menaçait de grandir. Quand elle pourrait laisser libre court à ses caprices de femme enceinte, elle n’aurait aucun mal à trouver quelque chose à faire. Là… Ses nombreuses envies étaient bloquées parce qu’elle n’avait pas de justifications hormonales au niveau de ses proches qu’elle voulait légèrement ennuyer. Alors définitivement, Dean Connors devait être l’homme de la situation. Avec lui, elle était sûre de passer un moment agréable à critiquer les autres sans retenue. Comme à son habitude, il la trouverait épatante, mais ce serait plus pour la draguer d’une manière non sérieuse que pour lui faire réellement plaisir.
Parce qu’elle était odieuse et qu’elle n’avait plus vraiment envie de le cacher, se contentant du strict minimum pour avoir l’air sympathique aux yeux des autres, la jeune femme avait fini par montrer clairement son ennui en poussant un soupir. Elle était trop au-dessus de lui. Il avait marqué trop de mauvais points. Game over. Si elle le croisait encore une fois ou s’ils continuaient, elle n’essaierait même plus de trouver un prétexte pour ne pas l’écraser comme un moucheron là, maintenant, parce qu’elle en avait envie.

Il avait parlé… Et elle avait ri. C’était assez évident de savoir ce qu’il pensait. Elle n’aurait même pas eu besoin de prendre en option la psychologie pour le deviner. Sauf qu’au final, il avait fini par la mettre dans la même catégorie que la plupart des gosses de riches. Parmi ceux qu’elle connaissait, elle ne pouvait pas dire le contraire pour certains d’entre eux. Mais sous-entendre qu’elle ne faisait que se prélasser, c’était stupide. Eden aurait été là, elle en aurait éclaté de rire. Tellement qu’elle regrettait l’absence de sa meilleure amie. C’était bas de se servir du stéréotype jeunesse dorée. Elle en faisait partie, oui, mais… Avec Eden, elles étaient un duo à part.
Quels genres d’héritiers pouvaient se vanter d’avoir les meilleures notes d’une université aussi prestigieuse qu’Harvard ? Quelle autre personne qu’elle pouvait se vanter d’être aussi douée dans tout ce qu’elle faisait ? Rester seulement dans des hôtels, c’était inutile. Bien sûr, c’était un passage obligé et elle aimait tout particulièrement ces moments. Mais après la lumière des paillettes, il fallait bien donner aux Etats-Unis quelque chose qui leur en mettrait plein la vue. Ce quelque chose qui ferait que plus tard, elle serait encore beaucoup plus importante que ce qu’elle était aujourd’hui. On n’arrêtait pas l’ambition. Surtout pas quand on avait pour nom de famille Donovan.
Sur un ton presque absent, parce que de toute façon, malgré tout, elle se moquait complètement de ce que Clarkson pouvait lui dire, elle avait prononcé ces mots :

- Je comprends parfaitement votre préférence pour écrire vos articles. C’est l’information qui fait tourner le monde après tout. Il faudrait juste savoir un peu mieux où la chercher… Si je puis me permettre bien entendu.

Parce qu’il était clair que ce ne serait pas dans un environnement comme le Seven Hostel que Johnny Clarkson trouverait des informations sur le meurtre de son frère. Tout le monde en parlait, oui, mais personne n’avait de nouvelles sur le cours de l’enquête. Elle ? Elle ne s’en inquiétait pas trop. Elle connaissait quelques détails, rien de plus. La plupart des personnes qui pouvaient le renseigner devaient savoir autant de choses que lui. Pourquoi ? Parce qu’ils étaient tous suspects. Comme le journaliste. Et qu’on ne donnait pas grand-chose comme informations aux suspects. Les autres préféraient ne pas se mêler de l’enquête. Laisser ça à la police, quoi de plus normal ?
Ironique, elle avait simplement fini par prononcer à son intention un :

- Comme tout le monde Monsieur Clarkson. Comme tout le monde…

Le sous-entendu ? « Essaie de dire quelque chose qui m’ennuiera moins crétin. » Et là, ô joie, la sonnerie de son portable retentit. Ouvrant sa sacoche sans même faire un mouvement d’excuse envers le journaliste, elle avait regardé l’écran de son téléphone. Dean. L’homme du moment, son sauveur, celui qu’elle attendait. Décrochant sans accorder un regard de plus à Clarkson, elle avait dégagé les cheveux de son visage d’un geste délicat de la main. A la question de son ami, à savoir ce qu’elle faisait, elle avait répondu sans accorder la moindre attention à la présence du journaliste :

- Je m’amusais. Mais je commençais à m’ennuyer, tu tombes bien. Ne bouge pas de là où tu es, je te rejoins tout de suite.

Raccrochant, ses yeux s’étaient posés sur l’homme toujours assis près d’elle. Dans un soupir faussement déçu, elle lui avait adressé un simple :

- Il va falloir que je vous quitte malheureusement. Ravie de vous avoir rencontrée !

Johnny sentait très clairement que Lily Donovan s'ennuyait. C'est à peine si elle faisait encore semblant de lui accorder de l'attention, et le journaliste savait bien que ce n'était pas de la comédie pour l'agacer ou quoi que ce soit.
Elle avait fini de s'amuser avec lui, il avait franchi al limite en abordant de trop près la question "Nathan Donovan" et elle avait décroché.
Ce n'était pas pour fuir la question ou quoi que ce soit, de ce qu'il avait pu comprendre. Il pensait surtout qu'elle n'en savait pas plus que lui et qu'il tournait en rond. Il n'arriverait pas à tirer quoi que ce soit de la jeune femme, tout simplement parce qu'il n'y avait rien à tirer.
Peut-être que s'il s'y prenait bien, il réussirait à glâner un semblant d'information sur le passé de Donovan, mais cela ne l'intéressait pas. Il n'aimait pas creuser quelque chose qui lui semblait inutile, car Johnny détestait par dessus tout perdre son temps.
Elle venait de lui dire qu'il ne cherchait pas au bon endroit, et pour une fois il était véritablement d'accord avec elle. Quoi qu'il ne parlait sûrement pas de la même chose.
Elle sous-entendait que c'était l'hôtel même qui était une fausse piste, mais Johnny n'était pas de cet avis. Il pensait savoir un peu mieux son métier qu'elle, et son expérience lui avait appris que les lieux du crime sont une source intarissable d'informations diverses. De plus, les lieux ayant été bouclés presque instantanément, il y avait de très grandes chances que le coupable soit encore présent, quelque part dans l'hôtel.
Ce qui le fit penser à Milo Petters. Il n'avait pas encore vraiment fouillé cette piste, même s'il sentait qu'il tenait là un gros poisson. Il avait toujours pensé que le jeune homme avait le visage de la culpabilité, pas assez cependant pour qu'il en soit certain.
Mais il avait encore du temps devant lui, il avait encore quelques petites choses à fouiller avant de s'attaquer à une si grosse prise.

Lily Donovan s'ennuyait tellement à présent qu'elle avait lâché un profond soupir non-dissimulé, mais Johnny ne s'en formalisa pas. Il avait déjà compris qu'il n'aurait rien d'elle, aussi était-elle devenu aussi peu intéressante à ses yeux que lui-même l'était aux siens. Il esquissa même un sourire amusé devant le manque de politesse dont elle faisait preuve. Elle lui décocha une nouvelle réplique qui, pour n'importe qui, aurait pu paraître une simple banalité de conversation, mais qu'il ressentit encore comme une insulte, sans s'en sentir blessé.
La jeune femme reçut alors un appel et répondit sans daigner lui accorder plus d'attention. Elle dit haut et fort à son interlocuteur qu'elle s'ennuyait, et Johnny ne put s'empêcher de pouffer.
C'était un peu pitoyable.
Quand elle raccrocha, elle fit mine d'être désolée de devoir le quitter, même si ses yeux disaient le contraire.

"Vous en faîtes pas pour moi, je me remettrais de votre départ" dit-il avec un sourire carnassier "Moi aussi, j'ai été enchanté de vous connaître. A bientôt j'espère."

*C'est ça, bon vent* pensa-t-il avec un sourire hypocrite.

Il la regarda partir, pensant déjà à quelque chose d'autre. Il aurait bien voulu voir un visage familier à qui parler sans se sentir en terrain dangereux. Le couple Hanson par exemple.
Il resta assis dans le fauteuil, songeur.

[Premier post]

C'est les mains dans les poches et son bloc note sous le bras, que Dominic marche gaiement dans l'hôtel. Il sifflote une musique, débile, d'un dessin animé. Blanche neige et les sept nains pour ceux qui ont un peu de culture. Il est de bonne humeur. Il est heureux d'être loin de sa villa, dans un hôtel pourri, avec des gens complètement inintéressants, avec pour seule distraction son crayon et son calepin. Et oui, ça peut paraitre un peu bizarre du point de vue d'une personne normale. Mais Dominic aime ça, poser des questions pour faire avouer les gens.

Il marche donc comme un abrutie, les lunettes sur la tête, dans le hall, en sautillant à droite, à gauche. Que les femmes en profitent, il ne serait pas tous les jours comme ça. Demain, peut être qu'il adoptera sa démarche de dépressif alcoolique. Et c'est alors qu'il aperçoit un type, de loin, affalé sur un fauteuil. Oh chouette, Dominic va pouvoir jouer avec quelqu'un, sa première victime dans cet hôtel. Il s'approche d'elle, tout content, prêt à dégainer son crayon. Il se met en face de son interlocuteur pour voir sa tête, et...

« Oh non, c'est toi Johnny. »

Dit-il d'un air tout déçu, comme si on s'était trompé de cadeau pour l'anniversaire d'un enfant de 8 ans. Il se décide quand même de rester avec son pote, et s'affale sur le siège à côté de lui, dans un soupir. Mais ? C'est chaud ? Qui donc a pu poser ses fesses là avant lui ? Une jolie dame ? Rien qu'à cette idée, Dominic esquisse un large sourire, un filet de bave coulant sur le côté. Si on ouvrait la tête du journaliste, on n'y trouverait que des femmes nues, des cigarettes et de l'alcool. Et si Faith voyait ça, il ne serait sans doute plus de ce monde. Repensant à sa femme, il se ressaisit et se tourne vers Clarkson, d'un air très grave. Ce n'est pas tous les jours qu'il est de bonne humeur. Et aujourd'hui, il veut faire chier le monde. Puisque c'est ça, il emmerdera Johnny.

« Alors Clarkson, raconte-moi, à qui étaient les fesses assisent à ma place ? Une jolie demoiselle que tu draguais ? AVOUE ! Tu voulais l'emmener dans ta chambre hein ? Sans en parler à ton super pote Dominic, c'est ça ? Tu me déçois. Moi qui croyais être ton ami. Mais tu me sous-estime jeune homme, tu sais très bien que je suis le meilleur des journalistes -avec toi bien sûr mon Jojo d'amour-, et que je finirai par découvrir ton secret. Ou alors c'est un homme que tu draguais ? MON DIEU, Johnny ! Tu me déçois beaucoup. Tu n'aimes donc pas cette chose si belle qu'on appelle de la poitrine ? En tout cas ne compte pas sur moi pour ta première expérience homosexuelle, moi j'aime que les femmes. Mais je peux te trouver un mec si tu veux hein Johnnynou. Dis-moi, tu préfères quoi ? Blonds, bruns ? Bruns hein, les mecs comme moi quoi. Je peux essayer de te trouver mon sosie, mais tu n'auras jamais quelqu'un d'aussi beau que moi. Ohlala quand je vais raconter ça à Faith, elle va rigoler ! »

Super grand sourire, Dominic est très fier de lui. Il a conscience qu'il n'a raconté que des choses qui n'ont aucun intérêt. Son but n'étant pas de se montrer intelligent, mais de fatiguer ce cher Clarkson, il estime qu'il l'a atteint. Reprenant un air sérieux, il sort son bloc note, son crayon, met ses lunettes sur son nez, se gratte la barbe et demande à son ami :

« Alors, t’as quoi, toi ? Je compte m’y mettre tout à l’heure, mais ça m’arrangerait si j’avais quelque chose qui pourrait me servir de base. »

Comme si, ils en avaient parlé des heures avant. Comme si ils s’étaient mis d’accord sur le fait de faire un article ensemble. Comme si ils avaient un plan. Alors que, non. Pour Dominic, tout cela parait normal. C’était une évidence. Jamais il n’avait eu une relation aussi complice avec quelqu’un. Une personne qui le comprend, et qu’il comprend, sans avoir besoin de parler. Et c’est à cette personne que Dominic accordait toute sa confiance. Il sait très bien qu’il pouvait parler de tout et n’importe quoi à Johnny. De toute façon, Clarkson est loin d’être un très gros bavard… C’est étonnant comme deux personnes qui, à la fois se ressemblent comme deux gouttes d’eau, peuvent être si différentes.
Il relève les yeux vers son collègue, et attend, en mordillant son crayon. Comme il est sexy, ouahou. Si Johnny est vraiment gay, il espère quand même qu’il tombera amoureux d’un type comme lui.

Alors que Johnny s'apprêtait à s'en aller, lassé de ne voir que des visages inintéressants défiler devant lui, il remarque quelqu'un qui se dirige vers lui à pas précipités. Intrigué, il décide de rester assis, juste pour voir.

*Effectivement, j'ai vu* pense-t-il avec joyeuseté en reconnaissant son bon ami Dominic Hanson.

Celui ci en revanche parait déçu de le voir, mais Johnny ne s'en formalise pas pour rien au monde. Au contraire, ça le fait même rire.
Il est rare que Johnny pousse un rire vraiment sincère, souvent il se force pour faire bonne figure ou pour mettre à l'aise son interlocuteur. Il n'y a bien qu'avec Dominic qu'il ne se force jamais.

"T'as l'air heureux de m'voir dis moi !" répond-t-il avec un grand sourire enjoué.

Son ami prend place sur le siège près de lui, là où Mademoiselle Donovan était assise quelques minutes auparavant. Cette compagnie là lui est excessivement plus agréable, et il ne ressent plus cet agaçant pique dans son ventre, celui qu'il a l'habitude d'avoir quand son interlocuteur lui déplait. Apparemment, Dom' aussi a remarqué qu'il y avait quelqu'un avant lui car ses yeux brillent d'une lueur perverse. Il a beau être marié, il n'y a que les femmes qui comptent dans sa vie.
Mais aussitôt, le visage de son compagnon prend un air grave, qui inquiète quelques secondes le journaliste. Il est rare de voir cette expression se glisser sur les traits si joyeux de son partenaire, ce qui alerte d'autant plus Johnny. C'est alors que Dominic part dans un discours gigantesque comme il aime tant les faire, emporté par son délire et parlant si vite et sans reprendre son souffle que Johnny n'a pas l'occasion d'en placer une.
Mais ça fait longtemps que le journaliste a arrêté d'essayer. Des années de complicité avec Hanson lui ont appris qu'il ne sert à rien de parler, Dominic ne s'arrête pas et parle toujours plus fort que vous. Il se contente donc de l'écouter, un large sourire plaqué sur le visage, les yeux brillants de contentement. Il aime la compagnie de son ami, elle le remplit toujours d'une joie inexplicable. Quand ce dernier commence à fabuler sur ses tendances sexuels, Johnny éclate de rire, renversant la tête en arrière. Ah Dom', on le change pas.

"Arrête tes conneries gros malin, tu sais bien que je suis hétéro jusqu'au bout des ongles !'" réplique Johnny en prenant l'air faussement blessé "Et quand bien même j'aurais une préférence pour les hommes jamais je m'abaisserais à fréquenter un mec comme toi"

Il accompagne le tout d'un sourire lumineux, qui signifie bien à son ami qu'il plaisante. Par sur ses tendances sexuels hein.
Dom' n'était pas le mari idéal certes, mais il aurait bien aimé passer sa vie avec lui s'il avait été une femme. Même s'il devait être vraiment lourd par moment, c'était vraiment un mec spécial.
Quoi qu'il n'aurait peut-être pas cette complicité s'ils n'avaient pas été tous deux des hommes.

"Et les fesses qui étaient avant les tiennes appartenaient à Lily Donovan, tu sais, la soeur de notre millionnaire favori." reprend-t-il avec un sourire moqueur "Une jolie fille, mais absolument infréquentable. J'ai rien tiré d'elle, pas un seul mot pour notre article."

Il avait employé "notre" tout à fait naturellement. Il lui semblait même impensable d'enquêter sur une affaire pareille sans la compagnie de Dominic. Cela serait presque une trahison qu'il le fasse en solitaire.

"Alors je suis au point mort moi aussi. Désolé vieux, j'ai rien trouvé"

Quoi que. Il y avait quelque chose dont il n'avait pas encore parlé à Dominic, et c'était sûrement le meilleur moment pour le faire. De plus, comme tireur d'informations, il y avait pas mieux que Dominic Hanson.

"Dis...Tu connaîtrais un certain..Milo Petters ? Non non non, je te vois venir, j'ai aucune vue sur lui, je trouve juste qu'il a une tête de coupable" ajoute-t-il précipitemment.

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